Seul avec le monde entier

«J'estime, écrivait-il, que le prêtre est le porte-parole de Dieu, et le moine son porte-silence.» Mais quel silence découvrons-nous au fil de ces pages ! S'il n'exerça, dans son monastère, que l'humble fonction de portier, Frère Elie, de la Grande Trappe de Soligny, fut un reclus rayonnant. Gilbert Ganne, fasciné par cet esprit raffiné aux connaissances incommensurables, lui faisait part de ses interrogations, de ses élans, de ses doutes de chrétien submergé par les distractions du monde. Et Frère Elie lui adressa, des années durant, de petits traités sur toutes les choses du monde et de l'au-delà.

Ayant longtemps vécu en Orient, frère Elie avait essayé d'établir des «passerelles» théologiques entre la doctrine de l'Eglise et le Vêdânta. Il était également un fin connaisseur de la mystique islamique. Ce bagage insolite confère à ses réflexions une richesse universelle et lui permet de tisser des liens remontant aux sources premières de la religion. Frère Elie, qui considérait l'œcuménisme d'un regard poliment sceptique, nous ouvre pourtant, comme sans faire exprès, mille chemins vers une solide et authentique fraternité spirituelle par-delà les cultures et les hiérarchies.

Esprit alerte, profond, ce solitaire en communion avec l'univers entier nous a légué, avec ses lettres, un enchantement et une consolation pour chaque jour.