Si loin est l'horizon

Les nouvelles d'Anne Renault se situent toutes sur une ligne de fracture. Il suffit des larmes dures d'un enfant, de l'intrusion obsédante d'un mauvais rêve, du poids de la fatigue et de la médiocrité quotidiennes, de la frustration amoureuse aussi, pour que, sous les pieds de ses personnages, la terre se lézarde, s'écroule et se dérobe. L'horizon, scintillant mirage, déjoue les tentatives pour le rejoindre. Les pièges de la vie, la fatalité, se referment sur eux. Leur « fuite » - une sorte de coup de folie - semble parfois un égarement de plus.

Les personnages sont des naufragés sur leur île. Ils y vivent dans une sorte d' « assignation à résidence », prison mentale, familiale, amoureuse : elle leur interdit de quitter l'espace qu'ils occupent, dont ils ne cessent toutefois de tenter de s'évader. Chez eux, trop fort est le désir d'accéder à un ailleurs qu'ils imaginent plein de délices.

Anne Renault retrouve ici la thématique qui lui est chère, celle d'un questionnement anxieux sur notre relation au monde, aux autres et à nous-mêmes, avec comme seul recours devant l'absence de réponse et la solitude qu'elle engendre, parfois, un passage à l'acte.

Ses textes évoquent un monde familier, que chacun de nous pourrait habiter, dont cependant nous préférons souvent nous masquer les limites. Mais les personnages d'Anne Renault en sont incapables et tentent, avec une obstination presque animale, de changer leur destin.