Siège sage

Méditer est multiple. Le plus simple - et le plus délicat à atteindre - est d'être présent, attentif, réceptif à tout ce qui se manifeste hic et nunc : un nuage qui se métamorphose, une feuille qui voyage, un oiseau qui se pose sur la pointe d'une grille, la lune qui se tait, une étoile qui brûle... Faire le vide en soi et laisser les deux infinis du monde investir doucement la conscience hospitalière. Attendre, attendre que la visite du merle, de la pluie, du crépuscule dure un peu, le temps d'être imprégné. Méditer, c'est être touché, attaché à l'univers par un fil infrangible, un cri infini du soir.

Le plus difficile - et le plus tentant cependant - est de porter de l'intérêt à ce qui vient de se produire, de le fixer dans son esprit avec justesse, d'y réfléchir, d'en évaluer la portée, le sens, la beauté, la valeur - symbolique parfois -, la poésie en un mot. Passer de la pure et libre observation à la construction du poème, si bref soit-il. Méditer et mûrir la forme et le fond de quatre vers qui soient le plus fidèles possible à l'objet, à la chose vue, à l'éphémère léger, à l'instant transparent, au miracle d'une clarté, au mystère d'une lueur nocturne. La transition des deux infinis à l'infiniment complexe, la relation entre la réalité extérieure lisse et l'obscur, le rugueux labyrinthe intérieur, tout l'art est là, de demeurer ouvert, vigilant et scribe rigoureux sur un siège sage, un socle d'accueil.

Ce livre sera donc un mélange d'eau de source recueillie sur la page de la main et de graviers de gravité déposés au fond de la vasque des saisons et des âges.