Fiche technique
Format : Broché
Nb de pages : 536 pages
Poids : 1145 g
Dimensions : 17cm X 24cm
ISBN : 978-2-85274-349-6
EAN : 9782852743496
Les grands organistes
Quatrième de couverture
Ce quatrième volume de la série « Solesmes et les musiciens » a cette particularité de se focaliser sur l'orgue - et ses interprètes -, l'un des instruments les plus anciens qui soient, celui que Mozart, avec d'autres, considérait comme le « roi des instruments ».
Hormis l'organiste belge (flamand) Jacques-Nicolas Lemmens, qui fait figure à part, tous les organistes dont il est question dans cet ouvrage ont tenu les orgues des grandes églises de Paris : à la Trinité (A. Guilmant et Messiaen), à Saint-Eustache (Joseph Bonnet), à Sainte-Clotilde (Tournemire), à Saint-Étienne-du-Mont (Maurice Duruflé), à Saint-Sulpice (Marcel Dupré), à Saint-François-Xavier (Gaston Litaize). Il sera aussi question de l'orgue Cavaillé-Coll de l'église Saint-Vincent-de-Paul, puisque Lemmens, dans les années 1850, eut l'occasion de le faire retentir lors de concerts privés à la tribune, où s'entassait le gratin culturel et musical parisien. Par le biais d'une documentation riche et inédite, l'auteur fait vivre ces personnages dans leurs rapports avec l'abbaye tout en les replaçant, comme à son habitude, dans le monde culturel et musical du temps.
De tous les grands organistes qui furent en relation avec Solesmes, Joseph Bonnet fut celui qui entretint des rapports les plus amicaux avec l'abbaye. Il s'y rendit très souvent pour faire des haltes spirituelles, nécessaires quand on était comme lui un concertiste de renommée internationale. Guilmant, lui, aura des rapports épistolaires avec dom Mocquereau qu'il soutint dans son oeuvre paléographique. Autre grand ami de Solesmes, Tournemire, qui considérait ce lieu sarthois comme un « lieu de paix et de bonheur intégral » qui l'inspira dans la composition de son Orgue mystique. Messiaen, de son côté, est resté fidèle aux doctrines solesmiennes relatives à l'exécution du chant grégorien. Il considérait dom Mocquereau comme un grand théoricien du rythme musical. Quant à Maurice Duruflé, élève de Tournemire, il fut initié très jeune, à Rouen, au chant grégorien et à la manière de Solesmes dont il ne s'écartera pas par la suite. Ce qui le marquera dans ses compositions futures, dont le fleuron reste son fameux Requiem.
Tous ces organistes, aux tempéraments disparates, se rejoignaient cependant par leur esprit de foi, soucieux de la beauté des célébrations liturgiques en donnant à l'orgue son rôle d'instrument du sacré.
Jacques-Nicolas Lemmens (1823-1881), organiste et compositeur belge, est considéré comme le rénovateur de l'enseignement de l'orgue au XIXe siècle. Il fut professeur d'orgue au Conservatoire de Bruxelles. Son jeu de pédale, hérité de l'école allemande, fit sensation à Paris. On le considérait comme l'un des plus brillants organistes de son époque. Auteur d'une « École d'Orgue », d'où est extraite la Célèbre Fanfare, tonique et de belle architecture.
Alexandre Guilmant (1837-1911) originaire de Boulogne-sur-Mer, fut organiste de l'Église de la Trinité de Paris et professeur d'orgue au Conservatoire. Il est le fondateur des Concerts d'orgue du Trocadéro et effectua de longues tournées aux U.S.A. Il joua un grand rôle dans le renouveau de la musique d'orgue tant par son travail de compositeur qu'en tant qu'éditeur des maîtres anciens. La Communion enregistrée sur le présent disque provient d'une suite de pièces inspirées par le chant Grégorien « L'organiste liturgiste » op. 65, (1896), bien caractéristique de sa manière de paraphraser le plainchant. Quant au Noël Polonais, de belle facture, il débute par une introduction sur le tutti de l'orgue, suivie de plusieurs variations et d'un final, rappelant un peu les variations sur les Noëls anciens, mais traité par Guilmant de façon moderne.
Bordelais d'origine (comme Charles Tournemire), Joseph Bonnet (1884-1944), laissa le souvenir d'un interprète de tout style. Élève d'Alexandre Guilmant, il devint organiste de Saint-Eustache en 1906 (jusqu'en 1944). Virtuose de réputation internationale, il joua beaucoup aux U.S.A., où il enseigna également. Oblat Bénédictin, il fonda l'Institut grégorien en 1923. Le Lamento fut édité en 1909. Il est dédié à son maître Alexandre Guilmant. Jean Langlais (1907-1991), breton d'origine, musicien non-voyant fut un des plus célèbres organistes du XXe siècle. Après avoir été l'élève de l'Institut national des jeunes aveugles de Paris, il entre au Conservatoire de Paris où il fut l'élève de Marcel Dupré et de Paul Dukas. Il fut de 1945 à 1987 l'organiste titulaire de l'orgue de la Basilique Sainte-Clotilde. Fidèle au chant grégorien qui est pour lui une source d'inspiration inépuisable, il compose dès lors dans des styles et des genres très variés. Le Nazard et la méditation de la Suite française datent de 1948. Fraîcheur et fantaisie caractérisent ces pièces dont l'esprit renouvelé n'est pas sans rappeler celle qui présida à l'illustration des Suites du XVIIIe siècle français. Originaire des Vosges, Gaston Litaize (1909-1991) fut lui aussi élève de l'Institut national des jeunes aveugles. Il poursuit ses études auprès de Marcel Dupré et Henri Büsser au Conservatoire de Paris. Organiste de Saint-François-Xavier durant 45 ans. Virtuose, improvisateur, il composa aussi beaucoup et particulièrement pour l'orgue. Les vingt-quatre préludes liturgiques (1953-1955) sont caractéristiques de son style. Le prélude n° 1, chantant, mélodieux et subtil, est sans aucun doute l'un des plus attachants du recueil. Il est dédié à dom Claude Gay, ancien organiste de l'Abbaye de Solesmes.
Nommé en 1930 à l'âge de 22 ans au grand orgue de l'église de la Trinité, Olivier Messiaen (1908-1992) devint le plus jeune organiste de la Capitale, recommandé chaleureusement par ses maîtres et amis Ch. M. Widor, Charles Tournemire, Paul Dukas et Marcel Dupré. Olivier Messiaen improvise beaucoup et compose. Passionné de plainchant, ainsi que par les rythmes grecs et les modes exotiques, qui lui ont été révélés par l'un de ses professeurs, Maurice Emmanuel, c'est en 1932 qu'il composa l'Apparition de l'Église Étemelle, qui est un immense crescendo et decrescendo pour orgue symphonique, une sorte de pièce en forme d'arche que Messiaen décrit ainsi : en citant l'hymne Coelestis Urbs Jérusalem : « Ciseaux, marteau, souffrance et épreuves, taille et polissage des élus, pierres vivante de l'édifice spirituel », indiquent que la basse profonde et obstinée est une description du travail incessant de construction. L'effet et saisissant. L'immense notoriété de Marcel Dupré (1886-1971) est due à sont talent de virtuose international de l'orgue, d'improvisateur, de compositeur et de pédagogue. Le Choral « Te lucis ante terminum », écrit pour l'office de Complies, a été composé en 1942 pour un recueil intitulé « Le Tombeau de Titelouze », oeuvre calme et subtile, la main droite faisant entendre la mélodie grégorienne, alors que les voix d'accompagnement s'intègrent très habilement au chant dans une savante combinaison de rencontres contrepoint/harmonie, chère à l'auteur. Maurice Duruflé (1902-1986) se distingue par sa personnalité raffinée et particulièrement sensible. Élève de Charles Tournemire, de Louis Vierne, mais aussi de Paul Dukas, il est marqué par l'Impressionnisme français issu de Debussy, Ravel et Gabriel Fauré, tout en restant fidèle à l'esprit d'organisation des idées et à un sentiment « d'autocritique » hérité de Paul Dukas. Ce qui aboutit chez lui à ne laisser éditer que très peu d'oeuvres, mais toutes abouties, au fini impeccable. Son Requiem de 1947 le fait accéder à une notoriété mondiale.
- Le Bas Prélude sur l'Introït grégorien de l'Épiphanie est une commande de son ami Norbert Dufourcq (1960) pour la revue « Orgue et liturgie », il est sans doute le reflet de ses improvisations liturgiques, sobres et poétiques, directement issues de la souplesse de la mélodie grégorienne.
- Le Grand Prélude en si bémol mineur, dédié à Paul Dukas, date de 1932. Une ouverture pauvre, presque funèbre qui se développe dans un crescendo savamment organisé et construit, pour culminer sur toute la puissance de l'instant, puis inversement, par paliers, decrescendo aussi progressif qu'au début qui aboutira à une cantilène (quasi récitative) impalpable, suspendue, debussyste et fauréenne à la fois, où le temps semble arrêté. L'oeuvre s'achève dans les friches sombres et calmes du début.
- Lux AEtema : c'est la pièce d'orgue initiale, qui servit à Maurice Duruflé de modèle en 1947 à la composition du « Lux AEterna » de son Requiem. Là aussi, l'on retrouve des constantes de l'art de Duruflé : économie de moyen, poésie, mystère.
Charles Tournemire (1870-1939), organiste titulaire de la Basilique Sainte-Clotilde, élève de César Franck et de Widor, se distingua par son exceptionnel talent d'improvisateur. C'est entre 1927 et 1932 qu'il compose « L'Orgue mystique », recueil d'offices englobant l'année liturgique en musique ; chaque recueil comprend cinq pièces (introït, offertoire, élévation et communion, une pièce courte en général) et une pièce terminale, généralement plus développée. Toutes les pièces sont composées à partir des thèmes du plain-chant du jour. Les offertoires ou les communions sont souvent de durée moyenne, utilisant des registrations poétiques que l'orgue Cavaillé-Coll respecte : Flutes, récit de hautbois solo (Offertoire pour la Toussaint) voix célestes, flutes 4.
Le Final de l'office de l'Épiphanie est (avec celui de l'Assomption) l'un des sommets du cycle. Le thème de l'Alléluia (stylisé) est d'abord annoncé sur les brillants jeux de mixtures, suivi d'épisodes plus calmes et déclamatoires. Puis, ce seront de subtiles arabesques, jeux d'échos, de questions-réponses sur des jeux de détail. De nombreux crescendo-decrescendo accentueront encore le caractère mouvant et complexe, et dramatique de la pièce ; enfin, dans un dernier élan, avec toute la force de l'orgue, Tournemire conclut dans un jeu triomphant de quintes et d'octaves énergiques et impérieuses, concluant cette pièce brillante de la façon la plus puissante et grandiose qui soit.
Frédéric Blanc, Rome, 2 mai 2023.
Note sur le grand orgue de la basilique Sainte-Clotilde de Paris et ses organistes
L'instrument est l'un des plus célèbres construits par Cavaillé-Coll (1811-1899), sorti de ses ateliers de l'avenue du Maine et installé en 1859. Il est inauguré par César Franck, son premier titulaire. Remanié et agrandi en 1933, par la Maison Beuchet-Debierre, il sera de nouveau agrandi, modifié et électrifié en 1962 par Beuchet-Debierre. Il est enfin de nouveau, restauré, agrandi et modernisé en 2004-2005 par Bernard Dargassies.
Les principaux organistes titulaires de Sainte-Clotilde depuis son inauguration sont : César Franck (1859-1890), Charles Tournemire (1898-1939), Joseph Ermend-Bonnal (1941-1944), Jean Langlais (1945-1987), Pierre Cogen et Jacques Taddei (1988-1993), Jacques Taddei (1994-2012), J. Taddei et Olivier Penin (2004-2012), Olivier Penin depuis 2012. Quelques principaux suppléants : André Marchal (1912-1913), Maurice Duruflé (1920-1927), André Fleury (1922-1930), Jehan Alain (1933).