Trio Gulliver

Dans une librairie, elle était bien. Nul doute que ce fût le seul lieu de la planète où une femme, entourée d'autant d'hommes par définition entreprenants, ne risquât pas de leur part un seul geste déplacé. Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne tentassent pas de la séduire, de la frôler au passage, ni de la toucher directement au plus intime. Ils s'y employaient sans cesse, au contraire, sans se bousculer les uns les autres comme ils faisaient dans la vie, sans se presser aucunement. Ils avaient le temps devant eux, et, Mélie le sentait à les fréquenter ainsi au quotidien, il y avait, dans leur espérance compacte, une sorte d'aveugle confiance, non en telle ou telle femme, mais en la série des femmes, en la génération féminine dans son ensemble, [...] Sauf qu'ici, à la différence du dehors, ils n'esquissaient pas la moindre tentative d'approche sans son consentement. Mieux, ils attendaient d'elle qu'elle les provoque. Qu'elle s'approche d'eux, qu'après les avoir balayés de la jupe ou caressés du doigt durant des semaines en les ignorant superbement, soudain elle les élise, les tire de leur torpeur silencieuse d'un mouvement gracieux du poignet et de tout le bras, les amène contre le double volume de ses seins, le doux renflement de son abdomen, et qu'elle les ouvre. Ah, l'émoi que c'était pour eux quand elle les ouvrait, contre sa fraîcheur molle et mouvante de femelle, après ce temps infini passé au purgatoire des rayons !