Trois rêves d'Ephraïm

Ephraïm a été enfant : il en garde, plus que d'autres peut-être, un souvenir tenace, parfois déplaisant, toujours sonore, réverbérant mille éclats de lumière et de voix. Autour de lui, l'amour inquiet de ses parents, la figure fascinante et ténébreuse de son frère, celle de sa sœur, énigmatique. Puis le pensionnat, les contes et l'égendes que récitait, avec plus ou moins de sincérité et de goût pour la confession, son ami Trophime, venu du plus profond de la Russie. Et Laure, qu'il a aimée moins qu'il n'aurait dû. Jean, le bon médecin des âmes dont la fonction est de veiller sur ceux qui l'approchent. Solange enfin, qui se tait et resplendit.

Ephraïm rêve et se souvient. Peu à peu, comme Venise, à laquelle il revient sans cesse, flottante, prête à se détacher de la lagune et à voguer à l'aventure sur l'océan, il se détache des anciens temps.

Il a vieilli, mais n'en éprouve pas de nostalgie. Il n'a rien dilapidé. Il va peut-être, laissant tournoyer un instant à la surface des eaux et s'éloigner de lui, de plus en plus vite, les fragments disloqués du passé, commencer à vivre.