Un conflit entre normes européennes et mémoires nationales

Depuis 1989, la question minoritaire est à nouveau au coeur des débats européens. Elle a souvent été abordée comme une question technique permettant de mesurer les progrès faits par les États concernés sur la voie de la «transition démocratique». Premiers concernés en Europe Centrale, les États slovaque et roumain ont fait l'objet d'une attention particulière en raison de la présence sur leur sol d'une forte minorité magyare.

C'est en se plaçant dans le cadre juridique et politique intérieur de ces deux États que l'auteur a souhaité ici analyser les évolutions de la situation des minorités magyares. En analysant successivement les discours et les programmes des représentants politiques de ces minorités et la perception qu'en ont les sociétés concernées, l'auteur contribue à mieux comprendre les termes des débats internes provoqués par la question minoritaire. Sans angélisme ni diabolisation, il parvient à mettre en évidence les contradictions entre, d'une part, l'ardente quête d'une reconnaissance par l'Occident et, d'autre part, la mise en place d'un discours légitimant la défense de la nation contre la «menace» hungaro-magyare. C'est parce que les institutions occidentales ont tardé à prendre acte de son caractère sensible que ce thème a acquis une telle importance dans les espaces slovaque et roumain au cours de cette période. La question minoritaire demeure tout à la fois un enjeu intérieur et une source de rapports ambivalents vis-à-vis de l'Occident, en raison du lien établi entre les relations interethniques et les traumatismes historiques tenaces des deux nations. C'est en gardant à l'esprit ce va-et-vient entre regard sur soi et regard extérieur qu'il faut comprendre la question magyare en Slovaquie et en Roumanie.