Un Français libre

«Un Français libre». Ce titre recouvre l'intégralité du Journal de Jacques d'Arribehaude pour les années 1960-68. Ainsi apparaît dans sa continuité, sa foisonnante diversité mais aussi sa très remarquable unité, ce qui constitue le panorama exceptionnel d'une époque, sous les yeux d'un survivant de la «France Libre» encore jeune, aux prises avec sa propre difficulté d'être, ses illusions perdues, et une éducation sentimentale particulièrement révélatrice et riche d'aperçus sur l'éternel féminin qui gouverne plus que jamais, en ce tournant du siècle, la plupart de nos destinées. Artiste-né, peintre, ethnologue, et cinéaste autant qu'écrivain, l'auteur nourrit sa vie de lectures incessantes qui l'aident à surmonter ses déboires et nous valent d'étonnantes évocations de Shakespeare à Dostoïevsky, de Saint-Simon à Céline, de Balzac à Proust et bien d'autres. Jacques d'Arribehaude, en qui Le Monde, à la parution de Semelles de vent, signalait «un Fabrice del Dongo qui serait aussi Rimbaud» (Jérôme Garcin lui découvrant par ailleurs «le style de ceux qui transforment la vie en roman»), nous livre ici tout autre chose qu'un journal intime réduit au calendrier anecdotique et racoleur de renvois d'ascenseurs dans les officines éditoriales de Saint-Germain-des-Prés. Il s'agit, et là est son originalité et sa caractéristique essentielle, d'une véritable fresque, la chronique étrangement vivante d'un temps perdu et retrouvé par la magie de la caméra-stylo qui lui est propre, et dont il use en virtuose de l'image significative, du cadrage efficace, du rythme poétique, et du langage, à mille lieues de toute obédience et de toute révérence à une quelconque police de la pensée et au genre de correction qu'elle prétend imposer.

«Ce Journal est d'un homme libre. Libre devant les intimidations du siècle comme devant celle des mantes religieuses et des benêts pâmés. Libre comme on a désappris à l'être aujourd'hui : en esprit fort et en vivant magnifique : Jacques d'Arribehaude défie et nargue. Il contredit en sauvage et il jubile en hédoniste, irrégulier et insoumis, se moquant des prudences opportunes, en polémiste de race... Avec cela, une langue superbe, d'une abondance et d'une variété qui donnent le vertige. Un grand écrivain méconnu à découvrir. A découvrir pour l'admirer en happy few.»

Pol Vandromme