Un hennin pour deux rois

Un hennin pour deux rois

« La gloire elle-même ne saurait être pour une femme que le deuil éclatant du bonheur » a écrit Germaine de Staël en toute connaissance de cause. Peut-être songeait-elle à Jeanne d'Arc, à Agnès Sorel, Diane de Poitiers, Catherine de Médicis ou Madame de Pompadour, mais certes pas à Antoinette de Maignelais. Et pourtant la vie inconnue de celle-ci illustre parfaitement ce sublime aphorisme : cousine germaine d'Agnès Sorel qui fut la première maîtresse officielle d'un Roi de France, elle en fut à son tour la seconde. Excessivement jolie et intrigante, supérieurement intelligente, elle est la parfaite illustration d'une femme ambitieuse qui, grâce aux deux souverains dont elle fut l'égérie, parvint au faîte de la gloire, et sa chute n'en fut que plus lamentable. Née dans une Picardie ravagée par la Guerre de Cent Ans, elle est appelée en Touraine par la Dame de Beauté dans le but d'en devenir la bonne d'enfants. Humiliée, bafouée, elle se rebelle et se fait remarquer par Charles VII qui tombe éperdument amoureux d'elle. A-t-elle contribué à l'empoisonnement de sa cousine pour lui succéder dans le lit du Roi qui lui fait épouser son ancien mignon, André de Villequier ? Délaissée rapidement par un Charles VII hypocondriaque et atrabilaire, elle maintient sa domination sur lui en lui fournissant un escadron déjeunes et jolies filles tandis qu'il lui offre châteaux et terres. Dès sa mort elle part pour la Bretagne rejoindre le Duc François II et y devient agent double à la solde du nouveau Roi de France Louis XI. Dans son superbe château de Cholet elle exerce sur son nouveau protecteur une influence politique certaine et le pousse à attaquer le Roi de France à la tête d'une coalition. Ce sera finalement un échec et malgré les trois enfants qu'elle a donnés au Duc et qu'il a reconnus, elle meurt seule et abandonnée de tous.