Fiche technique
Format : Broché
Nb de pages : 1393 pages
Poids : 2476 g
Dimensions : 16cm X 24cm
EAN : 9782905882363
Usage et pratiques de la philanthropie
pauvreté, action sociale et lien social,à Paris, au cours du premier XIXe siècle : vol 2
Quatrième de couverture
Au cours du premier XIXe siècle, la multiplication des œuvres de bienfaisance, des dons aux pauvres et des participations bénévoles aux administrations des Secours publics n'a rien de fortuit. Unanimes dans leur hostilité au principe d'une «charité légale», tous les régimes depuis le Consulat ont encouragé les libéralités privées, tant pour concourir au soulagement de l'indigence que pour apaiser les antagonismes de classes et sceller à nouveau l'unité nationale, en associant d'anciens adversaires politiques au service de causes généreuses.
Etudiant le terrain social de la pauvreté parisienne, cette recherche corrige certaines estimations de la misère admises depuis le siècle dernier et propose des indicateurs chiffrés de la population nécessiteuse, soit plus de deux tiers d'individus «malaisés», dont 27 à 38 % d'indigents permanents. Sont de même révisées les interprétations données par les contemporains des statistiques des abandons d'enfants, du concubinage ouvrier et de l'inflation présumée de la délinquance juvénile.
Les pratiques des associés des œuvres privées comme celles des milliers d'auxiliaires des bureaux de secours témoignent d'une même démarche constitutive d'un rôle social de bienfaiteur / tuteur du pauvre, celle-ci parfois moins soucieuse de prestation d'assistance que de connaissance, éducation et moralisation des classes déshéritées. Sous des législations très restrictives des libertés de presse et d'association, le statut de tolérance alors reconnu aux sociétés de bienfaisance ne manqua pas de les ériger en lieux de ralliement pour des personnels de mêmes opinions et convictions, ceux-ci leur offrant réseaux relationnels, champs d'affirmation de compétence, moyens d'intégration dans l'espace savant ou la sphère des carrières publiques. Ne pouvant s'exprimer par un discours politique censuré ou autocensuré, certains conflits de partis se trouvèrent alors déplacés sur la scène des affrontements de rôles et d'images. De là, ces émulations vertueuses et luttes de représentations opposant à des sociétés «charitables» catholiques et royalistes, œuvres zélatrices souvent liées à la Congrégation, des sociétés «philanthropiques» stricto sensu, œuvres pluralistes dominées par des libéraux, sans finalité missionnaire, à vocation d'expertise et prescription sociales.
Etrangères à toute forme d'Etat providence, les voies que proposèrent les philanthropes à une émancipation des classes pauvres par elles-mêmes furent l'école, la prévoyance et une formation au métier, objet de la création des patronages. Férus d'innovations institutionnelles, d'enquêtes et de statistiques, ceux-ci ont rêvé d'une première anthropologie morale et sociale, science des faits sociaux apte à prévenir les détresses du nouvel âge industriel. Praticiennes ou spéculatives, leurs œuvres ont expérimenté des formes pionnières de communication, mobilisatrices de l'opinion et du législateur. Sans doute n'auront-elles échappé ni aux échecs ni aux dérives, la victoire du régime de Juillet ayant révélé la fragilité de certains engagements humanitaires. Du moins les plus convaincus de leurs associés, fidèles à leur mission de vigilance, auront-ils été les instigateurs des premiers débats publics sur le paupérisme. Ce faisant, les campagnes alors conduites pour la protection de l'enfance ouvrière, l'école, la réforme pénale ou l'abolition de l'esclavage, dans leurs constantes références à la Révolution, auront entretenu la nostalgie d'un passé légendaire, construisant ainsi la mémoire épurée, pacifiée, d'une Révolution fraternelle, inspiratrice pour un temps du projet social des hommes de 1848, eux-mêmes souvent issus des rangs de la philanthropie.