1994

Il y avait au moins ceci d'enthousiasmant dans mes voyages : cette banque de souvenirs dont le capital augmentait au fil des années, et dont chaque investissement, tôt ou tard, m'était reversé avec intérêts. Il s'agissait d'un capital sentimental et d'intérêts immatériels, bien entendu. C'était sans doute la plus grande richesse que je possédais. Ce passé somptueux me permettait d'aborder l'avenir avec sérénité. J'avais l'assurance que ma solitude serait toujours remplie. Je pourrais vivre de mes rentes durant des années et des années. Il me suffirait de m'asseoir et de travailler à la rédaction de mon journal. Je vivrai sur mes propres réserves, pas avec l'idée de fortifier mon ego, ou de faire de moi un grand personnage, mais d'acquérir une sagesse, de me détacher des choses pour les spiritualiser.