2014

Tous les livres étaient cruels car ils étaient vivants, mais racontaient un monde envolé, et un recueil de mémoires était le pire des livres. Chaque jour de sa rédaction et de sa lecture me blessait davantage et me disait que je n'étais plus. Quel besoin avais-je de garder ces feuilles maléfiques ? Le monde était déjà rempli de livres, de livres qui parlaient des choses de la vie. Le temps amassait les événements du monde, et les livres amassaient tout ce que l'évolution du monde amassait. Ma table, ma cave et mon grenier étaient pleins de mes livres, des livres qui parlaient d'autres livres, des livres qui s'efforçaient de contenir le monde. Pourquoi ajouter à cette pile mon propre écho ?

D'où venait cette utopie d'une écriture sans lecteur potentiel, sans destinataire ? Insatisfaction sans doute. Si j'avais été satisfait je n'aurais pas écrit.