Rencontre avec Stéphanie Hennette Vauchez qui publie, au Seuil, "La Démocratie en état d'urgence "
On ne gouverne pas impunément par l’état d’urgence.
Entre les attentats du 13 novembre 2015 et l’automne 2021, la France a
vécu plus de la moitié du temps sous état d’urgence terroriste ou
sanitaire. Ce régime, conçu au départ comme un dispositif juridique
temporaire, accordant des pouvoirs exceptionnels aux autorités publiques
pour faire face à des risques inédits, tend à devenir un état permanent,
en France mais aussi dans de nombreux autres pays. Les crises de
demain, au premier rang desquelles la crise climatique,
appelleront-elles, elles aussi, leur état d’urgence ?
La banalisation de l’exception pervertit l’État de droit et fait peser
un coût extrêmement élevé sur les conditions même de possibilité de la
vie démocratique. L’ambition de cet essai est d’offrir une critique
approfondie des effets politiques et institutionnels qu’engendre la
récurrence de ces régimes juridiques si particuliers, auxquels les
gouvernements paraissent s’accoutumer sans toujours en percevoir les
implications sur les droits et les libertés.
L’état d’urgence n’est pas une simple parenthèse : le risque est qu’il devienne la nouvelle condition politique et juridique des sociétés confrontées à des menaces planétaires et systémiques. Endiguer ses effets relève d’une urgence démocratique.