Rencontre avec Isabelle Ullern et Jean-Yves Masson autour de RUE ORDENER RUE LABAT de Sarah Kofman [éditions Verdier]
« De lui, il me reste seulement le stylo. Je l’ai pris un jour dans le sac de ma mère où elle le gardait avec d’autres souvenirs de mon père. Un stylo comme l’on n’en fait plus, et qu’il fallait remplir avec de l’encre. Je m’en suis servie pendant toute ma scolarité. Il m’a “lâchée” avant que je puisse me décider à l’abandonner. Je le possède toujours, rafistolé avec du scotch, il est devant mes yeux sur ma table de travail et il me contraint à écrire, écrire. »
La philosophe Sarah Kofman est une enfant de sept ans lorsque a lieu la rafle du Vél’ d’Hiv’. Le 16 juillet 1942, la police se présente au domicile familial et arrête son père, rabbin d’une petite synagogue du 18e arrondissement de Paris – il ne reviendra jamais.
Commence alors cette période où la famille doit se cacher, se séparer. Pour la fillette, qui vivait tout dans la découverte permanente, c’est comme une épopée, dont l’envers est un déchirement : entre le domicile familial et le lieu de refuge, entre sa mère et la « dame de la rue Labat » – entre deux langues, deux mondes que sépare à peine une rue, un abîme pourtant.
Paru en 1994, ce souvenir d’enfance témoigne de ce que fut la vie des Juifs sous la collaboration, l’Occupation, la guerre. Sarah Kofman en retrace aussi leur traversée comme un récit d’éducation et de rencontres, avec une simplicité et une concision remarquables. Cette nouvelle édition, annotée, est enrichie d’un inédit et des courts textes qu’elle avait le projet, inabouti, de réunir sous le titre : Autobiogravures.
Ce volume est le premier d’une réédition de l’œuvre de Sarah Kofman par les éditions Verdier, sous la direction d’Isabelle Ullern.