Rencontre avec Yoan Vérilhac : "Sensationnalisme. Enquête sur le bavardage médiatique" [Amsterdam] Discussion modérée par Adeline Wrona
Qu’ont en commun la presse people et les chaînes d’information en continu ? Les highlights sportifs et les magazines de faits divers ? Toutes ces productions culturelles sont sensationnelles, elles captent leur audience par le frisson.
Né au XVIIIe siècle, le paradigme sensationnaliste s’est largement diffusé avec l’avènement des médias de masse et de la publicité. Ainsi est-il devenu la cible de critiques faciles, qui identifient ses manifestations à un bavardage trompeur et superflu faisant obstacle à l’émancipation de leur public.
Rien n’est plus faux. Consubstantiel à la démocratisation des sociétés, le sensationnalisme accompagne l’extension de la sphère de la délibération et préserve en quelque sorte les citoyens de l’angoisse de la décision permanente. Parce qu’elle fait constamment circuler le plaisir de la simple présence, parce qu’elle intensifie le sentiment d’actualité, mais aussi parce qu’elle fait l’objet d’un dénigrement rituel, cette culture de l’insignifiance et de la superficialité se révèle un puissant vecteur de cohésion sociale. Par là même, elle rend vivable la double injonction, proprement moderne, à l’individualisme et à la grégarité.
Yoan Vérilhac est maître de conférences en littérature à l’Université de Nîmes, Yoan Vérilhac est spécialiste de la presse des XIXe et XXe siècles et de l’histoire de la culture médiatique.
Adeline Wrona est professeur en sciences de l'information et de la communication à Paris-Sorbonne et au Celsa.