Les quatre saisons d'un berger lorrain

C'était un jour où tout peut arriver, un jour de rude hiver vosgien, glacial et lumineux, en devenir comme cette neige où nul, encore n'avait marché. Une neige où pouvait s'imprimer le meilleur comme le pire, la patte de la grive comme celle de la buse, l'empreinte du levraut ou bien la trace du renard.

Mes propres pas m'acheminaient vers une porte de vieux bois, dont j'ignorais en la poussant qu'elle m'accueillerait en paradis. Comme la neige extérieure étouffant tous les bruits, la profonde litière de paille suscitait un silence rehaussé de soupirs, de grincements, de souffles, et, çà et là, de bêlements discrets. La bergerie émergeait peu à peu d'une nuit de rumination, mais aussi d'agnelage. Les brebis, lourdes de cinq longs mois de gestation, restaient encore un peu couchées, plus attentives aux remous de leur ventre qu'à la vie alentours Quelques agneaux, nés de la veille, se nichaient sous les râteliers garnis de foin et de regain, jamais bien loin pourtant de leur mère déjà inquiète.