Procès du maréchal Pétain

Qui se souvient du procès de Pétain ? Qui se souvient même qu'il a été jugé et que ses contemporains n'ont voté la mort qu'à une voix de majorité comme pour Louis XVI et encore en émettant le voeu que la condamnation ne soit pas exécutée ?

A l'heure où paraît ce compte rendu in extenso des trois semaines d'audiences fiévreuses de 1945, on juge par une coïncidence extraordinaire du destin un autre homme pour avoir agi selon les ordres de Pétain et qui, à deux ans près, a le même âge que celui-ci au moment de sa comparution.

Plus de cinquante ans séparent les deux procès.

Comment évoquer le second sans parler du premier autrement plus grave et plus lourd ?

Aujourd'hui la télévision, la radio, les quotidiens martèlent l'opinion à coups de sondages et de déclarations furieuses. Un demi siècle plus tôt s'est tenu un autre procès dans la touffeur de l'été et le bonheur de la liberté à peine retrouvée. On s'est dit du côté de la défense et de l'accusation des choses dures. Les fantômes des suppliciés, des déportés, des disparus hantaient la salle d'audience et réclamaient vengeance. Les prisons étaient pleines de collaborateurs et les pelotons d'exécution oeuvraient sans désemparer.

Et pourtant malgré ses graves imperfections, ce procès en définitive ne manqua pas de dignité ni de mesure.

A l'époque, il est vrai, les actes judiciaires ne se confondaient pas avec des spectacles télévisuels entre deux séries de spots publicitaires.

Jean-Pierre Cabanes