Collection(s) : Colporteur
Paru le 01/01/1990 | Broché 111 pages
Pour écrire à propos de Velazquez, il faut le chercher avec ferveur, il faut le fréquenter sans hâte - avec amour, bien entendu - ; il faut le comprendre à l'envers comme à l'endroit : dans ce qu'il est en lui-même et par lui-même, dans ce qu'il réalise et dans ce qu'il laisse perdre.
Velazquez est un esprit profondément humain, délicieusement mélancolique. Ses paroles sont douces ; ses gestes, d'un grand seigneur. Il a de l'aplomb, mais sans effronterie. Néanmoins, il se désintéresse de l'époque dans laquelle il vit, des gens qui l'entourent, de leurs manières, de leurs habitudes, de leurs façons, au point qu'il agit, mais ne parle presque pas. A peine lorsque c'est indispensable, et non point parce que l'occasion le permet. C'est un observateur avide et impassible. L'observation lui arrache parfois un sourire qu'il ébauche, et qui meurt au moment de s'épanouir. Velazquez va de côtés et autres en silence, mais jamais à pas furtifs. Enveloppé dans son ombre comme dans un manteau pour qu'elle ne l'entraîne pas, étouffant ses propres échos avant qu'ils ne résonnent, il glisse discrètement sur les parquets d'acane de l'Alcazar de Madrid, relève d'une main soyeuse les rideaux de damas et de brocart, et regarde par les grandes fenêtres qui s'ouvrent sur le Champ du Maure pour saisir les gris froids à reflets d'argent du Plateau de Castille.
