Par Bernard P. le 05/05/2020
Un livre apaisant qui se lit d'une traite...
L'auteure nous emmène dans son monde peuplé de signes, mais surtout de coccinelles, de papillons et de biches. C'est poétique et c'est un témoignage émouvant sur l'attachement à ses parents décédés qui lui envoient de façon répétée des signes apaisants. Du coup, la lecture elle-même est apaisante.
Par Sylvie B. le 30/04/2020
Superbe !!
Difficile de trouver les mots justes pour rendre honneur à ce livre. J’ai été profondément émue par ce texte, touchée par son univers entre réalité et imaginaire. Je me suis laissée porter par l’histoire. À l’unisson avec la petite narratrice, j’ai apprivoisé, découvert, aimé Mut-Muk, l’enfant étrange et pourtant si vrai. Bien sûr, ils ne sont pas seuls et sont accompagnés de Caroline, la poupée au look BCBG, et Nounours, la vieille peluche d’amour, tout aussi attachants et attendrissants. Partager un moment de vie, de rêve avec eux fut un réel plaisir, un moment magique de lecture.
Dans ce texte, Mido nous parle de tolérance, de respect mais aussi, de manière douce, sensible et poétique, de métamorphoses. Chacun, la fillette, la poupée, le nounours et l’enfant au masque blanc évolue et avance sur son propre chemin. L’une va découvrir la bienveillance, l’autre la confiance,… Tous vont s’enrichir au contact les uns des autres, grandir et devenir plus fort.
Lorsque j’ai refermé ce livre j’ai vraiment eu le sentiment de quitter des amis. J’ai été partagée entre le bonheur d’avoir fait de si belles rencontres et la tristesse de les voir s’envoler de leurs propres ailes. Cette histoire, si joliment illustrée, m’a accrochée au cœur. Elle m’a marquée et laissera une trace précieuse et délicate dans ma mémoire. Comme David pour Mido.
Quelque part, Mut-Muk, m’a fait penser au Petit-Prince. Mido termine d’ailleurs son livre sur une parole d’Antoine Exupéry. Je laisserai, moi, le mot de la fin au Renard : « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux ».
Par Sylvie B. le 25/04/2020
Un merveilleux conte de Noël !
l’essentiel. Loin des effets spéciaux extraordinaires, la féérie arrive par la voie d’une simple boule à neige, d’une vieille poupée et le regard d’une enfant.
Cette année-là, la petite Maé ne ressent plus la magie de Noël. Est-elle devenue trop grande ou est-ce parce qu’ayant croisé des SDF sur le chemin, elle a réalisé qu’il existait des personnes qui vivent dans la rue. Chagrinée, elle va fouiller dans le grenier et retrouve alors sa poupée-princesse, son inséparable, sa confidente. L’amour de celle-ci pour la fillette est demeuré intact. Elle fait comprendre à Maé que c’est à elle maintenant de passer le relais, de partager.
Maé va pouvoir réaliser le vœu de sa poupée grâce à l’intervention de sa grand-mère qui l’aide telle une bonne fée. La fillette fait la connaissance de Janawa, une enfant de la guerre et lui offre sa poupée. Maé ressent alors de nouveau la magie de Noël.
Un merveilleux conte de Noël, plein de poésie et de douceur, porteur de valeurs d’entraide, solidarité et générosité qui ne peut que charmer petits et grands… et pas uniquement en période de Noël !
Par solon le 25/04/2020
5,0 sur 5 étoiles Un ouvrage très clair et très utile pour tout savoir sur un intellectuel en quelques lignes
Voici plus de dix ans que cet ouvrage est dans ma bibliothèque où je l'ai toujours à portée de main car il est toujours d'actualité.
Très pratique, il permet de rechercher très rapidement "les personnes, les lieux ou les moments", comme l'indique le sous-titre. Autrement dit, le dictionnaire ne retrace pas seulement l'apport des intellectuels français au plan des idées mais il rend également compte de certains événements marquants du XX° siècle (affaire Dreyfus...) et décrit certains lieux marquants (comme les revues, les écoles...). C'est donc aussi un dictionnaire historique et géographique des intellectuels français.
Les articles sont très synthétiques, très bien rédigés par des spécialistes des questions traitées et font preuve d'objectivité. Avec ses renvois multiples, il permet d'approfondir rapidement un sujet en se reportant à d'autres articles du dictionnaire et la bibliographie sélective indiquée à la fin de chaque contribution permet d'approfondir si on le souhaite.
C'est un très bon ouvrage qu'il est très agréable de feuilleter même sans but précis.
Par XAVIER F. le 21/04/2020
Très bons moments de lecture
Ma compagne et moi-même avons beaucoup apprécié la lecture de ce roman haletant et écrit avec beaucoup d'élégance et d'efficacité. Mêlant introspection, réflexions et suspens, c'est un véritable "page-turner" qui se lit avidement et nous fait subtilement découvrir Istanbul, l'intrigue et son dénouement. Hâte de découvrir d'autres écrits du même auteur.
Par solon le 21/04/2020
un réquisitoire... fataliste
Ce livre, plein comme toujours chez Régis Debray, de formules ramassées et brillantes, est paradoxal : il brosse un portrait sévère de l’Union européenne mais il se termine par un attachement résigné et fataliste et presque affectueux pour l’Europe telle qu’elle est.
Rappelant d’abord rapidement la genèse de l’utopie de l’Europe (l’ « Eurotopie »), qui est née sur les doubles décombres de la première et surtout de la seconde guerre mondiale dans le contexte respectivement de l’émergence de la SDN et de l’ONU, Régis Debray se demande pourquoi il était difficile de ne pas être européen en 1925 et 1950 et pourquoi il est devenu si facile aujourd’hui de ne pas l’être ou de l’être aussi peu. A cet égard, il considère que l’Union européenne est entachée d’une malfaçon originelle : lancer l’Europe économique (le marché commun) pour faire advenir une Europe politique fédérée était une « superstition », entretenue par deux « illuminismes », qu’il appelle le social-démocrate et le démo-chrétien.
Le résultat, paradoxal selon l’auteur (puisque l’Europe est le continent qui a inventé la politique), est un chef d’œuvre d’antipolitique. La raison ? Le défaut d’inscription de l’Europe dans l’espace et dans le temps : selon Régis Debray, l’Europe est ainsi dépourvue « d’un maître d’œuvre, d’un ennemi et d’un récit » ou encore « d’un catalyseur, d’une frontière et d’une fable ». Car pour l’auteur, le récit ou la fable sont essentiels : ils constituent un « mythe porteur », tel la Manifest destiny américaine. Une illustration symbolique bien connue de cette absence d’épaisseur historique de la construction européenne est donnée par les architectures abstraites représentées sur les billets de banques en euros qui à la différence des billets en dollars n’inscrivent pas la monnaie dans une histoire. En définitive, l’Europe lui apparaît comme une construction abstraite, intellectuelle, qui ne parle pas aux sens : « L’esprit produit l’idée, l’émotion donne la force. Une idée sans émotion n’est pas motrice . »
Rappelant ensuite, après d’autres, que l’Europe n’est pas la cause de la paix, mais son produit, il pointe la vassalisation actuelle de l’Europe aux Etats-Unis, notamment dans le domaine de la Défense, avec le rôle prépondérant de l’OTAN et les achats de matériels américains privilégiés par certains Etats européens. L’Europe apparaît ainsi à Régis Debray dissoute dans l’Occident dont les Etats-Unis sont le leader. Il se demande même si l’addition des Etats ne devient pas source de lourdeur quand l’agilité de petits Etats (tels Singapour, le Qatar, Israël ou la Suisse) leur permet de tirer avantage dans la bagarre mondiale.
En définitive, Régis Debray pointe trois profonds déphasages de l’Europe : chronologique (l’Europe n’est ni assez agile ni assez globale pour le monde tel qu’il est aujourd’hui) ; spatial (les frontières de l’Europe sont indéfinies) ; organisationnel (les institutions sont difficilement compréhensibles). Selon lui, « L’Europe-culture, l’Europe-territoire et l’Europe institution ne se superposent pas, d’autant qu’en termes de mémoire et de mentalité, il faudrait parler des Europe – la catholique, la protestante et l’orthodoxe . »
Pour autant, après presque quarante-cinq pages de description critique, Régis Debray semble se résigner à l’Europe, à savoir l’Union européenne, telle qu’elle est, et la regarde, tout compte fait, avec une certaine forme de tendresse : certes, l’Union européenne est sans doute critiquable par bien des aspects, mais elle a le mérite d’exister…
Par solon le 21/04/2020
4,0 sur 5 étoiles De la communication comme nouvel horizon du politique à l'heure des réseaux sociaux
Certains essais symbolisent à eux seuls une époque politique.
Storytelling.
C’était, en 2007, le titre de l’essai que, Christian Salmon avait donné aux éditions La Découverte. Dans cet ouvrage fort remarqué, l’écrivain et chercheur au CNRS, ancien président du parlement des écrivains, avait popularisé cette notion, entrée depuis lors dans le langage courant de la communication politique, dans le langage journalistique et même dans le dictionnaire de l’Académie française en 2018. Par storytelling, il entendait, en substance et de façon critique, l’art de mettre en récit l’exercice du pouvoir afin de susciter l’attention du public et l’attente des citoyens dans un contexte, déjà, de l’affaiblissement du politique.
L’ère du clash.
C’est le titre de l’essai avec lequel Christian Salmon revient en 2019 pour qualifier la nouvelle ère de communication dans laquelle il estime que nous sommes entrés. Si l’époque du storytelling avait trouvé son apogée avec l’avènement de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis, c’est l’avènement de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis qui révèle l’entrée dans l’« ère du clash ».
Trois grandes dates ont, selon l’auteur, préparé l’avènement de cette nouvelle ère :
- 2001, avec l’attentat du World trade center qui a aussi marqué l’entrée en scène des thèses complotistes avec l’émergence de fausses victimes et des récits délirants de toutes sortes sur l’organisation des attentats ;
- 2005, avec l’apparition des réseaux sociaux ;
- 2008, avec la crise financière des subprimes et le renflouement des banques qui a ruiné, selon l’auteur, le crédit envers l’idéologie ultralibérale en vigueur en Europe et aux Etats-Unis.
Pour caractériser l’ère du clash, Christian Salmon part d’abord d’un constat impressionnant, tiré d’un propos de 2013 d’Eric Schmidt, président d’Alphabet, la société mère de Google. Celui-ci indique qu’il faudrait une capacité de 5 exabytes (soit 5 milliards de milliards de bytes) pour enregistrer tous les mots qui ont été prononcés par les êtres humains depuis l’origine jusqu’en 2003. En 2011, il était généré 5 exabytes de contenu tous les deux jours et en 2013, la même quantité était générée toutes les deux ou trois heures . L’ère du clash se caractérise par une profusion de données et d’informations, ce dont chacun fait quotidiennement l’expérience.
Ensuite, il précise que cette nouvelle « séquence » se caractérise par la fin des grands et des petits récits à laquelle succède une communication politique marquée par des soubresauts en remplacement des discours linéaires, avec un début, un milieu et une fin. En d’autres termes, se succèdent de manière erratique des punch lines sans ordre, avec pour seul objet de faire le buzz au cours de clashs viraux ; les récits se combattent de manière anarchique avec pour seul objet de radicaliser le propos de leurs auteurs afin d’être entendus. Viralité et rivalité vont de pair de même que virulence et violence. « Shock and awe » (choc et effroi) : la tactique militaire mise en œuvre en Irak en 2003 et destinée à paralyser l’ennemi par la puissance du feu, a été reprise par Steve Bannon, le stratège de Donald Trump à l’occasion de la campagne présidentielle américaine de 2016 au cours de laquelle Donal Trump a donné congé à la figure du narrateur et laissé place à celle du bouffon qui répand des « fake news ». Le nouveau régime informationnel mime selon l’auteur la logique des marchés financiers soumis de même manière tout aussi erratique aux rumeurs et aux effets de foule.
Pour Christian Salmon, cette logique est en train de pulvériser la mise en récit de la politique : l’heure serait à la surprise, à l’irruption, à la carnavalisation. Le temps devient sans histoire mais se décompose d’une succession d’instants rythmés par la déferlante des messages sur les réseaux sociaux : reprenant une formule de Hamlet, il estime que le temps est « hors de ses gonds ». Conséquence : la possibilité pour l’Etat d’agir dans ce nouveau texte apparaît compromise. Décrédibilisé par la grande crise de 2008, l’Etat serait pris dans un flux informationnel erratique et permanent. Selon une expression de l’auteur, le monde ne devient plus gouvernable mais « assujettissable » par propagation mimétique.
En définitive, cet essai très stimulant centré sur en première analyse sur le régime de communication dont l’ère du clash constitue l’aboutissement provisoire peut aussi être lu comme un point de vue original sur le phénomène de dépolitisation contemporaine à l'heure des GAFAM. Cet essai invite aussi à méditer à nouveaux frais la célèbre phrase d’Hannah Arendt, tirée du livre "Le système totalitaire": « Le sujet idéal du règne totalitaire n’est ni le nazi convaincu, ni le communiste convaincu, mais l’homme pour qui la distinction entre fait et fiction et la distinction entre vrai et faux n’existent plus ».
Par solon le 21/04/2020
Un profond traité d'art politique derrière une analyse originale de l'année 1969
1. Un éclairage renouvelé sur la dernière année au pouvoir du général
Le premier apport de l'ouvrage d'Arnaud Teyssier est de livrer un regard renouvelé sur la dernière année du général de Gaulle au pouvoir, depuis les événements de mai 1968 à sa démission spectaculaire à l’issue du référendum du 27 avril 1969 où son projet a été rejeté.
A partir des propres écrits du général (notamment les Mémoires d’espoir), mais aussi de sources issues de ses proches collaborateurs de l’époque (tels Bernard Tricot, alors secrétaire général de l'Elysée), Arnaud Teyssier remet en cause l’imagerie traditionnelle d’un de Gaulle vieillissant, incapable de comprendre la révolution « introuvable » de mai 1968 et mettant en scène un suicide politique théâtralisé à l’occasion d’un référendum à propos de sujets réputés mineurs (la régionalisation et la participation).
La thèse très convaincante d’Arnaud Teyssier est tout autre : le général de Gaulle avait dès 1965, soit avant mai 1968, parfaitement pris conscience du danger nouveau que représentait l’émergence de la « société » avec ses « besoins et ses désirs » pour la pérennité d’un Etat dont il avait rétabli la puissance d’action et la légitimité. Cette émergence de la société, accompagnée de la révolution technologique que de Gaulle pressentait, portait en elle les germes de division et d’altération du pouvoir d’agir pour un Etat qui risquait de se pulvériser devant la multiplicité des revendications individuelles issues d’une société émergente.
A cet égard, les réformes proposées par le Général de Gaulle en 1969 devaient tout à la fois répondre à cette aspiration nouvelle tout en conservant à l’Etat l’acquis de sa capacité d’action retrouvée avec la Constitution de la V° République. La réforme articulait deux volets :
La « régionalisation », d’abord. Il s’agissait pour de Gaulle d’une figure de la déconcentration (l’échelon régional étant inséparable du Plan) et non des prémisses de la décentralisation qui aurait lieu quelques années sous la présidence de François Mitterrand. Pour de de Gaulle, la mise en place de la Région en tant que nouvel échelon territorial permettait de créer un lieu de dialogue de l’Etat avec les « forces vives » de la nation tout en contournant les élites départementales traditionnelles qui lui étaient hostiles.
La « participation », ensuite. Il s’agissait là aussi d’associer les forces vives au sein d’un Sénat dont la composition était renouvelée par 146 sièges réservés à des « représentants des activités sociales, économiques et culturelles ». Il faut préciser que le Sénat, dont de Gaulle pensait hostile aux nouvelles institutions de la V° République ne donnerait plus qu’un avis dans le processus législatif.
En définitive, loin d’être une modalité théâtrale de sortie de scène, le texte soumis à référendum le 27 avril 1969 parachevait et actualisait l’œuvre institutionnelle du général de Gaulle qui s’était déployée sur près de 25 ans avec une constante remarquable depuis les premiers écrits du général :
- 1944-45 (mise en place de la sécurité sociale et de « l’Etat social » ; création de l’ENA) ;
- 1958 (création de la 5ème République caractérisée par le renforcement des prérogatives du pouvoir exécutif) ;
- 1962 (fin de la guerre d’Algérie et élection du président de la République au suffrage universel).
2. Une réflexion sur le devenir de la V° république et plus largement sur le devenir de l’Etat.
La seconde thèse stimulante du livre tient à ce que l’échec du général de Gaulle en 1969 est comme le signal du déclin progressif des institutions de la V° République. Selon Arnaud Teyssier, celles-ci ont dévié de leur trajectoire à partir du milieu des années 1980, les nouvelles générations politiques au pouvoir ayant perdu les codes de la V° République. Parmi les autres causes de ce déclin, l’auteur pointe la désacralisation de la fonction présidentielle, une décentralisation non maîtrisée, une construction européenne à marche forcée et la désarticulation des constitutions politique et administrative que de Gaulle avait si bien su ré-articuler.
Plus largement, dans le sillage de l’œuvre de Pierre Legendre, l’auteur pointe à son tour une véritable crise de l’Etat occidental subverti par les logiques ultralibérales de la marchandisation généralisée et le déclin des récits fondateurs.
3. Un traité d’art politique
Au-delà de ces deux thèses, qui méritent en soi que l’on s’y arrête, le livre d’Arnaud Teyssier propose à travers le récit de la dernière année un véritable traité d’art politique.
On comprend ainsi à travers la mise en lumière des intentions du général de Gaulle, que la démocratie est toujours à (re)conquérir car elle est un « corps sans armure » qui doit toujours se réinventer dans un monde dont la crise est l’état ordinaire. Dans une logique explicitement rattachée au philosophe Henri Bergson, on comprend que le passé, le présent et l’avenir ne sont pas trois moments séparés, mais que le passé régénère constamment le présent pour préparer l’avenir. C’est ainsi le rôle des hommes d’Etat d’anticiper par la vision des évolutions en cours pour préparer dès aujourd’hui les institutions qui permettront de vivre dans un monde humain, ce que traduit l’étonnant exposé des motifs du projet de 1969 rédigé par de Gaulle lui-même : « Ce qui est en cause, c’est la condition de l’homme. Il s’agit que chacun, là où il fournit son effort, ne soit pas un instrument passif, mais participe activement à son propre destin.»
Un ouvrage essentiel pour réfléchir sur le gaullisme, l'Etat et le politique aujourd'hui.
Par solon le 21/04/2020
Un très beau portait choral d'une grande dame des lettres
Ce livre restitue les mille et une facettes de la grande historienne et femme de lettres qu'est Mona Ozouf. Construit à partir d'une rencontre qui s'est tenue à l'abbaye de Fontevraud en juin 2016, le livre retrace sur le mode choral l'itinéraire intellectuel de Mona Ozouf à travers une série de 13 interventions qui évoquent ses différents cercles amicaux (au collège de Caen avec Michelle Perrot et Nicole Le Douarin ; avec François Furet...) et ses nombreux centres d'intérêt (la Révolution française, le féminin, la cause des livres...). Les contributions font intervenir des intellectuels prestigieux tels que Pierre Nora, Michel Winock, Philippe Raynaud ou Claude Habib.
Ces articles sont précédés d'un texte de Mona Ozouf intitulé « Y a-t-il une crise du sentiment national ? », particulièrement inspirant.
Dans ce texte, Mona Ozouf y distingue d'abord soigneusement la "nation" de deux termes voisins : le "pays" (de plus petite échelle et investi d'une sentimentalité supérieure) et la patrie (qui est chargée plus héroïquement). Par rapport à la patrie, la nation apparaît alors à Mona Ozouf comme « un terme plus intellectuel que charnel, plus descriptif que prescriptif et susceptible d'un usage neutre ».
Mona Ozouf s’interroge ensuite sur la date de naissance de ce sentiment national et rappelle que les historiens datent son émergence du « grand basculement de la révolution française » puisque les états généraux se baptisent eux-mêmes « Assemblée nationale ». Toutefois, elle rappelle, d’une part, que l’on pourrait des traces de ce sentiment dès de la guerre de cent ans avec la figure fédératrice de Jeanne d’Arc et, d’autre part, que c’est entre 1870 et 1914 que s’est construit un tel sentiment « à travers le journal, la caserne et l’école ». En définitive, Mona Ozouf s’inscrit dans la filiation du célèbre texte de Renan : pour elle, la nation est à la fois une volonté et un héritage, la gauche mettant l’accent sur la première quand la droite privilégie le second.
Mona Ozouf pointe alors les quatre principales menaces qui pèse sur ce « nous » collectif :
- la montée de l’individualisme dans les sociétés modernes qu’illustre la montée du sentiment de n’être pas bien ou même pas représenté ;
- la mise en cause de l’école pour son laxisme et son inefficacité et l’abandon de l’enseignement de l’histoire, cette discipline étant au surplus prise entre une culpabilisation du passé et une impossibilité à se figurer l’avenir ;
- la dilution du sentiment national dans un autre ensemble, l’Europe, qui alimente l’idée d’un dépérissement du vivre-ensemble national et fait paradoxalement resurgir l’attachement à sa région ;
- la présence massive sur le territoire national de populations immigrées mises en demeure d’assimiler sur un temps très court les règles qui ont façonné la conscience nationale.
Cependant, pour Mona Ozouf, ces quatre menaces ne signifient pas la mort du sentiment national. Elle repère ainsi dans le passé récent une occasion volontaire et des occasions involontaires de restauration du sentiment national.
L’occasion volontaire est celle du débat que le président Sarkozy avait organisé sur l’identité nationale. Même si Mona Ozouf estime que ce débat avait deux défauts majeurs, celui d’être organisé de manière centralisée et celui de rechercher une identité comme essence fixe, il a eu le mérite de faire repenser le sentiment d’identité, dans le sillage de Paul Ricoeur, non sous les espèces du même (idem) mais du soi (ipse) en mettant l’accent sur l’inévitable accent de réappropriation individuelle qu’il comporte.
Les occasions involontaires tiennent aux attentats de janvier et novembre 2015 et à la grande manifestation de janvier 2015. Mona Ozouf voit dans ces événements la persistance du sentiment national constitué de trois éléments :
- l’attachement à la libre communication des pensées et des opinions dans le sillage des Lumières (la France reste une patrie littéraire),
- l’attachement à la mixite sexuelle dans le sillage de l’Ancien Régime (la France reste le pays de femmes, comme l’avaient déjà relevé les voyageurs des XVII°, XVIII° et XIX° siècles),
- l’attachement à une patrie du bonheur de vivre, symbolisée par les cafés.
Mona Ozouf estime que le sentiment national s’est patrimonialisé et sentimentalisé et ne dérive plus de la grande nation héroïque à vocation universelle. Dans sa conclusion, elle voit dans le slogan « Je suis Charlie » une possibilité de se dépasser soi-même par l’affirmation que je peux être ce sue je ne suis pas au nom d’un principe supérieur. Ce principe, appliqué aux nations, lui semble être la seule façon de ne pas tomber dans le nationalisme.
Par solon le 21/04/2020
Un homme averti en vaut deux dit-on...
Dans les époques d’incertitude comme la nôtre, où un vieux monde semble mourir alors que le nouveau tarde à advenir, il est tentant de recourir à la figure de l’analogie pour tenter de dompter les monstres que Gramsci voyait surgir dans un tel clair-obscur.
C’est cette figure que mobilise le philosophe Michaël Foessel dans son dernier ouvrage Récidive 1938, dont l’ambition est de tester la proposition selon laquelle « les années 30 sont devant nous », devenue courante.
D'emblée, nous pensons tous connaître l’année 1938 : l’image commune retient que cette année est celle de la fin du Front populaire et du gouvernement Daladier ainsi que des accords de Munich. C’est une année qui marque un pas de plus dans l’inexorable avancée vers la guerre.
Or Michael Foessel s’est plongé dans l’année 1938 muni du voile d’ignorance de celui qui fait comme s’il ne connaissait pas la fin : à partir d’une lecture des articles de presse de l’époque, il s’est mis à la recherche, comme l’indique le titre du livre, d’une éventuelle « récidive » au double sens « juridique » (nous avons fauté de nouveau alors que nous étions prévenus) et « médical » (une maladie réapparaît sur un même corps après plusieurs années).
Après une introduction où l’auteur expose son propos et sa méthode et avant une conclusion où il tire un bilan de son exploration, le livre dessine en sept chapitres qui sont autant de « défaites » le portrait de cette année cruciale : défaite de Blum, défaite des partis, défaite de la République, défaire morale… Selon Michael Foessel, en 1938, la France avait d’ores-et-déjà renoncé à la démocratie : le Parlement ne se réunit plus, Daladier gouverne par décrets-lois et les élections à la Chambre ont été repoussées de deux ans en 1939. Selon Foessel, loin de témoigner de la faiblesse de la III° République face à des régimes comme celui de l’Allemagne et celui de l’Italie, 1938 marquerait le basculement de la France dans un régime empruntant aux futurs adversaire leurs thèmes, voire leurs méthodes.
Le bilan de la traversée est saisissant : « il existe entre 1938 et 2018 un rapport d’analogie dont il est urgent de prendre la mesure ». Michael Foessel reconnaît ainsi ne pas avoir été dépaysé en voyageant en 1938 : il y a retrouvé plusieurs ressemblances avec la période actuelle :
- d’abord, un même contexte historique, à savoir une même distance de dix années avec une crise systémique du capitalisme dont l’évocation est devenue rare ;
- ensuite, le même sentiment que « la fête est finie » : les politiques mises en œuvre en 1938 partent de l’idée qu’il faut remettre la France au travail après les largesses du Front populaire de même qu’aujourd’hui c’est l’Etat providence issu de l’après-guerre qui est remis en cause ;
- enfin, les mêmes obsessions politiques telles que le nombre de mesures sur l’immigration, l’assouplissement du droit du travail, la nécessité d’assurer l’équilibre des finances publiques et ce que Michael Foessel appelle un même « antiparlementarisme par le haut ».
En définitive, l’auteur estime que l’analogie réside en ce que la politique de Daladier faite d’assouplissement économique et de reprise en main autoritaire est aux régimes autoritaires qu’elle combat ce que les politiques néolibérales menées depuis plus d’une décennie en France sont au nationalisme autoritaire qui menace de venir dans nombre de pays européens. Michael Foessel précise évidemment qu’une analogie n’est pas une simple ressemblance mais une égalité des proportions, à savoir une identité de rapport entre des réalités hétérogènes. Rien ne permet donc d’affirmer selon lui que 2018 débouchera nécessairement sur un désastre équivalent à la deuxième guerre mondiale.
Un homme averti en vaut deux dit-on : voilà pourquoi il faut lire Récidive 1938.
Par solon le 21/04/2020
Une belle galerie de portraits et, en creux, un appel au renouveau!
Comme l’indique Michel Winock dès la préface de l’ouvrage collectif placé sous sa direction, Les figures de proue de la gauche depuis 1789, les termes de gauche et de droite, dans leurs sens politique, datent de l’automne 1789, lorsque l’Assemblée constituante issue des états généraux, a vu s’affronter les partisans du véto royal, placés à droite du président, et ses adversaires, placés à sa gauche.
Si l’origine de la distinction se trouve dans la Révolution française, par la suite, la notion de gauche s’est diversifiée si bien que dans un très stimulant article publié en 2005, le même Michel Winock avait défini, en contrepoint de la célèbre classification des « trois familles de la droite », élaborée par René Rémond, les « quatre familles de la gauche » ayant survécu jusqu’à nos jours : la gauche républicaine, la gauche socialiste, la gauche communiste et l’ultragauche.
Cette classification a pour effet d’assigner une famille particulière de la gauche à chacune des révolutions que le France a connues. C’est ainsi que la révolution française a donné naissance à la gauche républicaine, la révolution industrielle - à la gauche socialiste et la révolution bolchevique - à la gauche communiste, tandis que la quatrième famille - l’ultragauche, elle aussi issue, mais en partie seulement, de la révolution bolchevique, constitue « une gauche critique de la gauche et qui est parfois à l’origine des trois autres ». Bien entendu, Michel Winock n’ignore pas que si cette quadrilogie chronologique aide à clarifier la multiplicité de la gauche, elle n’en épuise pas la complexité tant les ramifications en sont multiples et les moments d’unité rares (1899, 1936, 1972 et 1997).
L’ouvrage poursuit ce travail d’exploration sous un angle inédit en ce qu’il retrace l’histoire de la gauche non à partir des idées mais à partir de la singularité des parcours de ses individualités marquantes, que ce soit des hommes ou des femmes politiques (Robespierre, Olympe de Gouges, Léon Gambetta, Jules Ferry, Jean Jaurès, Léon Blum, Pierre Mendès-France, Michel Rocard…) ou des écrivains (notamment Victor Hugo, George Sand, Albert Camus, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir).
Comme Michel Winock le note, l’entreprise ne manque pas d’être paradoxale en ce qu’elle prétend retracer les évolutions de la gauche à partir d’individualités alors que celle-ci se veut traditionnellement rétive à des incarnations trop marquées. Cela étant, il faut bien admettre que l’éclat de la gauche tient aussi à l’empreinte de personnalités d’exception qui ont su l’incarner fortement à un moment donné et être le vecteur d’un rassemblement des différentes familles pour exercer le pouvoir, que l’on songe à Léon Blum en 1936 ou François Mitterrand en 1981.
Le lecteur sera sans doute intéressé par la première figure historique choisie par les auteurs pour être le « père de la gauche » : il s’agit de Condorcet dont le portrait est brossé par Mona Ozouf. Ce choix peut apparaître surprenant tant d’autres candidats auraient pu apparaître plus naturels (tels notamment que Robespierre), mais Mona Ozouf explique que l’auteur de l’Esquisse d’un tableau de l’esprit humain, qui fut tout à la fois un héritier des Lumières et un défenseur du progrès et de la liberté, a trouvé une postérité tant chez les thermidoriens que chez une personnalité perçue comme libérale aujourd’hui, comme Benjamin Constant, ou encore chez les promoteurs d’une politique scientifique tels Saint-Simon ou Auguste Comte mais aussi à travers la figure de Jules Ferry au moment de la mise en place de l’école républicaine.
A l’instar de Condorcet, l’ensemble des personnalités dont le portrait est réuni dans cet ouvrage partage ainsi la même croyance dans les droits de l’homme, la justice et la laïcité et regardent vers l’avenir.
Toutefois, d’une part, on ne rencontrera que peu de femmes dans cet ouvrage – c’est sans doute parce que les femmes ne sont, somme toute, devenues des citoyennes à part entière qu’après-guerre. D’autre part, on peut regretter la relative sous-représentation de la gauche communiste et de la première gauche dont on sait pourtant le rôle qu’elles ont joué dans l’ascension de François Mitterrand. Enfin, une seule personnalité est encore vivante - Arlette Laguiller - mais elle n’est plus active sur la scène politique. Ce dernier aspect de cette galerie de portraits est sans doute le signe de ce que la gauche manque aujourd’hui de « figures de proue », comme en témoigne le résultat en France des dernières élections européennes du 26 mai dernier , au cours desquelles le Rassemblement national (RN) est arrivé en première position avec 23,31 % des voix devant la liste de La République en marche (LaREM) qui a obtenu 22,41 % des suffrages alors que la gauche, qui est allée en ordre dispersé au scrutin, a obtenu dans l’ensemble des résultats satisfaisants mais des résultats individuels décevants (La France insoumise (LFI, 6,31 %) et le Parti socialiste-Place publique (PS-PP, 6,19 %) à l’exception d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV, 13,47 %) .
Il faut dire que si on assume, avec Michel Winock, que chaque révolution donne naissance à une gauche particulière, il y a lieu de constater que l’actuelle révolution industrielle n’a pas encore fait éclore la gauche qu’elle mérite : les partis de gauche dans leur structure comme dans leur idéologie restent tributaires des révolutions industrielles des XIX° et XX° siècles. En ce sens, cet ouvrage d’histoire est aussi, en creux, un appel à l’émergence de figures de proue contemporaines de la gauche et mais aussi plus largement d’une idéologie politique qui actualise les idéaux de cette famille de pensée à notre temps. A cet égard, il y a sans doute urgence pour la gauche à réinvestir la question de l'organisation du travail comme une question éminemment politique.
Par solon le 21/04/2020
Excellent florilège des penseurs de notre temps !
Ce livre est un florilège d'articles de philosophes qui a le triple mérite :
- de regrouper des auteurs variés de toutes nationalités, de tout âge et de de toutes tendances ;
- d'apporter des réflexions originales sur des sujets majeurs qui traversent notre époque : la crise écologique, le rapport des êtres humains et des animaux, le travail, le progrès, le mouvement "#metoo", le capitalisme, la révolution numérique...
- d'être accessible dans son contenu et son volume (il s'agit d'articles parus dans la presse).
En définitive, ce livre montre, s'il le fallait, que la réflexion philosophique n'a en rien perdu de sa vitalité et de sa pertinence pour "réfléchir" notre époque. Une très belle initiative de Philosophie magazine!
Par Sylvie B. le 20/04/2020
Un joli conte !
Manbat est une petite grenouille qui a tout pour être heureuse : elle est belle, intelligente, vit dans un endroit paradisiaque, entourée d’amis et d’une famille qui l’aiment. Et pourtant ! Elle est triste et elle s’ennuie. Un jour, elle décide de partir à l’aventure… Attirée par la splendeur d’un château elle se retrouve face au danger. Elle saura alors puiser en elle les ressources pour l’affronter.
Manbat, aimée et choyée, mais n’a en fait jamais été confrontée à elle-même. Elle se connait mal et ne s’aime pas. Partie en quête d’extraordinaire elle va alors découvrir une belle personne, elle-même.
Sous ces allures de conte, ce récit nous rappelle l’importance de se connaitre pour apprendre à reconnaitre et savourer l’essentiel. Conseillé à partir de 7 ans, son message simple et fondamental peut tout à fait concerner toutes les tranches d’âges.
Par Sylvie B. le 16/04/2020
Un roman jeunesse fantastique !
J’ai tout d’abord été interpelée par le titre du livre jeunesse de Paul Bruard : « Le puits vers l’infini ». C’est presque un oxymore !
Une fois plongée dedans, je l’ai lu d’une traite, prise par un récit d’aventures sans temps mort. J’ai été séduite également par le couple de héros, un frère et une sœur, très attachants. J’ai beaucoup aimé leur voyage dans un univers onirique qui, quelque part m’a fait penser à celui d’Alice aux pays des merveilles ou de Claude Ponti.
Ce roman fantastique plein de poésie passionnera sans conteste son lectorat mais intéressera aussi des plus grands !
Par Acteon le 16/04/2020
Livre brûlant
Number One vous emporte dans un tourbillon d’émotions. Les personnages ne se dévoilent pas que sous des atours esthétiques. Leur vie dissolue, morcelée et fragilisée par des blessures diverses nous apparaît dans toute sa vérité crue. Les relations sont paradoxales, à la fois destructrices et cathartiques. Je n’ai pas l’habitude de ce genre de lecture, mais il faut toujours explorer des terrains inconnus. Les pages défilent à un rythme effréné, la langue est alerte et vive, et je trouve que l’on rentre facilement dans l’histoire. La passion brûlante des corps entrant en contact, les échanges physiques, les joutes sensuelles sont décrits avec un style enlevé qui participe au tempo de l’intrigue, si bien que l’on se laisse porter jusqu’au dénouement sans aucune entrave. Je résumerai mon impression en un mot : sulfureux. Si vous avez envie de vous surprendre et de sortir de vos sentiers battus, alors ce livre est fait pour vous.
Par Florent le 16/04/2020
Un sapin qui nous veut du bien
Quel plaisir de découvrir la vie, les pensées et les péripéties de la vie d'un sapin. Les auteurs donnent souvent la parole aux animaux, plus rarement aux plantes. Ce sapin est plus qu'un arbre statique. C'est un témoin privilégié des vies qui s'écoulent à ses côtés. Les enfants pourront découvrir un personnage attachant et original qui tisse un lien particulier avec les gens. Une belle bulle de bonheur à partager !
Par François-Xavier L. le 18/03/2020
Excellent
Après avoir lu, "L'empreinte du Dragon" du même auteur, je viens de terminer "Terres rares". Jean Tuan est un connaisseur de la Chine. Dans ces deux récits il l'a met en scène dans de palpitantes intrigues qui dévoilent le caractère néfaste de l'influence de ce pays sur le monde. Son personnage principal, Cyprien Bonassieu, attire la sympathie. C'est un épicurien au sens critique exacerbé. On retrouve la "patte" de l'auteur chinois Qiu Xiaolong mais en plus truculent. A lire !